Bayrou. On ne parle que de lui pour les présidentielles. Il serait très haut placé dans les « fameux sondages » qui ne sont, rappelons-le, que des statistiques et donc pas neutres. Il battrait Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal au second tour des élections. Bon, ça, ce n’est pas dur : on ne parle que de ces deux derniers depuis un an, ils énervent tout le monde et comme dirait l’autre : « Ségolas Sarkolène, un seul candidat, un seul programme » (ce qui n’est quand même pas tout à fait vrai). On a donc un nouveau venu dans le débat. François Bayrou. Mais qui est-il, au juste ?
Je l’ai rencontré en vrai la première fois aux Rencontres Mondiales du Logiciel Llibre à Nancy en juillet 2006. Il venait pour parler de son engagement contre la loi DADVSI et pour les logiciels libres. De tous les politiciens présents, c’était le seul qui semblait s’intéresser davantage à recruter des électeurs et à faire sa publicité qu’à s’intéresser vraiment au sujet. Pour sa défense, on notera tout de même que les autres n’étaient pas candidats potentiels à la présidentielle, même si c’était des élus. Une autre chose qui m’a profondément déplu, c’est qu’il serrait des mains sans même regarder ou écouter la personne à qui appartenait la patte. Un pur comportement politicien. Ce n’était pas les cas de Michel Rocard (député européen PS), Richard Cazenave (député UMP) ou Martine Billard (députée Verts) également présents. On rappelera qu’il y a encore 2 ans, il était favorable aux brevets logiciels en Union Européenne, qui menacent directement les ligiciels libres. En outre, son parti et lui-même refusent toujours de s’exprimer sur ce sujet. Bref, tout cela n’est pas très cohérent.
Regardons plutôt son histoire politique. Il a commencé sa carrière politique en 1982, il est d’abord conseiller général, puis quatre ans plus tard député UDF des Pyrénées-Atlantiques. Situons l’UDF dans l’échéquier politique : c’est un parti de centre droit fondé en 1978 pour servir Valéry Giscard d’Estaing. La majorité des membres de l’UDF sont proches du RPR devenu UMP et nombreux ont quitté l’UDF pour rejoindre l’UMP ces dernières années. Depuis 2002, l’UDF fait alliance avec l’UMP à l’Assemblée Nationale et a participé au gouvernement de Raffarin et de celui de de Villepin. Ce n’est que depuis 2006 que l’UDF tient ses distances avec l’UMP. On notera pour l’anecdote que Pierre-Christophe Baguet, député UDF, est exclu du groupe UDF de l’Assemblée nationale en octobre 2006 après avoir déclaré son soutien dès le premier tour de la présidentielle à Nicolas Sarkozy; cependant, ses collègues conseillers généraux lui renouvellent leur confiance en le confirmant comme président du groupe UDF du Conseil général des Hauts-de-Seine (92). Au final, on n’est pas vraiment sûr si l’UDF est au centre, mais en tous cas, il est à droite.
Revenons à notre ami Bayrou. En 1993, il est nommé ministre de l’Éducation nationale dans le gouvernement de cohabitation d’Édouard Balladur. Lors de l’élection présidentielle de 1995, il soutient, de même que Nicolas Sarkozy, le candidat Balladur (RPR). François Bayrou est un catholique pratiquant et il crèche pour sa paroisse. Resté ministre sous Alain Juppé, il veut à tout prix intégrer au budget de l’État les investissements et la construction des établissements d’enseignement confessionnel, et intégrer à l’Éducation nationale les enseignants du privé. Il n’y parvient pas à cause du «tollé» que cela provoque dans l’opinion publique favorable à l’école publique laïque. En 2002, il se présente comme candidat de l’UDF à l’élection présidentielle; plusieurs leaders de l’UDF appellent à voter pour Jacques Chirac dès le premier tour, mais il arrive à obtenir 6,84% des voix au premier tour. En 2005, il soutient activement le Traité Constitutionnel Européen libéral, comme Sarkozy et Royal. Maintenant, il est candidat à la présidentielle de 2007.
Quelle est sa stratégie ? Bayrou joue à fond, et ça marche, la carte du centriste. Puisque depuis un an on oppose la gauche Royale et la droite Sarkozy, il se déclare, « ni de droite, ni de gauche ». Puisqu’il est acquis que son parti est ancré à droite, il déclare qu’il pourrait nommer, s’il était élu, un premier ministre socialiste. Puisque l’UMP et Sarkozy subissent les foudres des gens qui n’aiment pas la politique des gouvernements UMP depuis 2002, il déclare qu’il est désormais dans l’opposition. Puisque c’est à la mode, il signe le pacte écologique de Nicolas Hulot. Bref, Bayrou a l’air d’un type bien sympathique, à qui on ne peut rien reprocher, puisqu’il n’a pas vraiment d’étiquette politique claire. C’est un peu comme si un joueur de foot déclarait à ses collègues lors d’un match OM-PSG : « je ne suis ni de l’OM, ni du PSG, passez moi le ballon, vous verrez bien dans quel but je vais tirer ». Ouais. C’est une tactique politique habile. Mais bon, le coup du mec de droite qui veut faire croire qu’il est de gauche (ou l’inverse), ça a déjà été fait.