Il y eût un très bel élan de solidarité de tous les Français dans les rues, suite aux attentats contre Charlie Hebdo. De grandes marches organisées le 10 et le 11 janvier 2015. Tous avec un joli slogan « Je suis Charlie ». Mais sont-ils vraiment Charlie ?
Évidemment, certains politiciens présents dans le cortège parisien n’étaient pas Charlie : je pense aux représentants de certaines dictatures africaines ou du Moyen-Orient, à Sergueï Lavrov, ministre des Affaires étrangères russe, pays où la liberté de la presse n’existe pas. Il s’agissait simplement d’une courtoisie diplomatique. À l’inverse, d’autres n’ont pas fait semblant et ne sont pas venus. Peu de pays asiatiques étaient présents, ce que l’ont peut regretter même si on imagine mal la Chine ou l’Arabie saoudite venir défendre la liberté d’expression. Malgré une allocution en français de John Kerry à la télévision, aucun haut responsable du gouvernement états-unien n’a participé à la manifestation, seule l’ambassadrice américaine étant présente. On peut y voir le peu de cas que fait Obama de l’Europe et le mépris des Américains pour la laïcité. De même, seul le ministre de la Sécurité publique du Canada était présent, malgré une importante manifestation de soutien à Montréal. D’autre part, il semblerait que la population d’origine maghrébine était peu réprésentée : ceci est sans doute le symptôme d’une population qui a du mal à condamner l’islam, même sous sa forme la plus radicale. Enfin, l’extrême-droite française était absente, mais les politiciens avaient cherché à exclure le Front national de ces marches républicaines : on ne pourra donc pas reprocher aux crânes rasés et autres Marinistes de n’être pas venus.
Charlie Hebdo est un journal satirique, athée et irrévérencieux. Quand on le lit, on a souvent l’impression d’entendre le slogan anarchiste « ni dieu, ni maître, ni état, ni patron » entre des bonnes tranches de rigolade et des passages bien grossiers. Les rédacteurs et dessinateurs de Charlie Hebdo font ce qui leur plait et se moquent bien des opinions des autres. La liberté, par définition, n’a pas de limite. Si on veut garder une société démocratique et tolérante, il faut donc essayer de limiter les libertés d’expression et de la presse le moins possible.
Les politiciens comme le peuple français se revendiquent tous de Charlie. Pourtant, avant l’attentat, bien peu de gens soutenaient le journal. Une des premières réactions du gouvernement a été d’appeler au contrôle d’Internet. Depuis quelques années, les mouvements communautaires (anti-racistes, féministes, LGBT et autres) ont permis de faire passer toute une série de lois contre l’incitation à la discrimination et la haine qui, de fait, réduisent la liberté d’expression. Exit la période des Coluche, Desproges, des Inconnus : aujourd’hui le discours doit être « bien-pensant », dans la norme. Éric Zemmour est viré d’I-Télé, les spectacles de Dieudonné sont interdits par l’État. Quand Michel Onfray fait la promotion de l’athéïsme et démontre que les textes saints des religions monothéistes ont des passages qui incitent à la violence, on lui demande de se taire et on le labellise « islamophobe ». Dès qu’une personne dit une chose qui sort du politiquement correct, on parle de « dérapage » et on en appelle à la censure immédiate, quant on ne déclenche pas une avalanche de procès. Le bons sens inciterait simplement à démonter les arguments avancés et à passer à autre chose, mais non. Il n’y a pas de place pour lé débat ni pour l’humour noir : on pourrait choquer quelqu’un.
Tout ceci pourrait être résumé par la phrase hyprocrite du pape François : « la liberté d’expression est un droit fondamental mais ne doit pas insulter les croyances d’autrui ». Une liberté pas libre, en somme. C’est la société française d’aujourd’hui et elle n’est pas Charlie.