Présidentielle 2017 : Marine Le Pen

Ce qui est le plus étonnant avec Marine Le Pen, c’est qu’elle n’a pas vraiment fait campagne et pourtant elle est quand même en tête dans les sondages. Dans les débats face aux autres candidats, elle a été assez terne ; dans le ring qui prépare l’élection, elle est restée très discrète et n’a pas avancé de proposition phare, laissant son communicant Florian Philippot écumer les plateaux télévisions à sa place. Elle profite simplement du chômage, de l’actualité, du terrorisme, du mauvais bilan des quinquenats de Nicolas Sarkozy et François Hollande. Toutefois, elle est rattrapée par l’affaire des emplois présumé fictifs des assistants parlementaires Front National au Parlement européen, la sous évaluation de son patrimoine et le financement du prestataire en charge de la communication du parti Riwal. Profitant de son immunité parlementaire, elle dénonce un complot et un coup politique plutôt que de se soumettre à la justice.

Le Front national bien radical de papi Jean-Marie est devenu un espèce de fourre-tout d’extrême-droite. La stratégie de dédiabolisation voulue par Marine fait qu’aujourd’hui le parti comporte des pro-israéliens et des antisémites, des homosexuels et des homophobes, des athées et des catholiques, des néonazis et des gaullistes, des proches des Républicains et des anciens communistes. Marine Le Pen fait tout pour brouiller les pistes. Elle joue la confusion à fond, ainsi son logo de campagne est une rose bleue : le symbole du Parti socialiste avec les couleurs des Républicains. Fidèle à une tradition d’extrême-droite qui a fait ses preuves, dans le Nord, Marine Le Pen fait du socialisme et dans le Sud, elle fait du nationalisme. On notera que son positionnement actuel est assez proche de celui de Geert Wilders.

Pour Marine Le Pen, les trois grands thèmes sont l’immigration musulmane, l’Union Européenne et le social. Elle ramène à peu près tout à cela. Ainsi, elle dit défendre la laïcité quand on parle des musulmans, mais se déclare en faveur des crêches de Noël dans les mairie. Elle souhaite sortir de l’Union Européenne et de l’euro, même si elle est moins bien précise que François Asselineau. Paresseuse, elle a copié de nombreuses propositions sociales du programme de Jean-Luc Mélenchon, même si elle est souvent moins ambitieuse (elle ne veut pas revaloriser le SMIC par exemple) et aussi veut favoriser la transmission de patrimoine – sans doute pour conserver le château de papa. En dehors de cela, son programme est presque vide. Marine Le Pen partage avec Emmanuel Macron le fait d’entretenir un flou populiste sur de nombreux sujets, pour essayer de maximiser son nombre de voix. On notera cependant qu’elle parle peu d’écologie et pour cause : elle a voté contre l’accord de Paris sur le climat. Enfin, elle veut remplacer le mariage homosexuel par une union civile. En géopolitique, la seule chose claire outre l’indépendance de la France, c’est sa fascination pour Vladimir Poutine. Les militants du Front national et du Bloc identitaire sont d’ailleurs très zélé pour défendre leur chouchou russe sur Internet, trouvant en lui l’archétype du macho autoritaire capable d’incarner la puissance, l’ordre et la tradition.

Le terrorisme ne tombe pas du ciel

Avant de commencer, je tiens à présenter mes entières condoléances aux victimes, leurs familles et leurs proches. Le terrorisme est une chose particulièrement répugnante.

Les attaques terroristes du 13 novembre dans le 11e et le 10e de Paris et à Saint-Denis marquent un cap. Non pas parce qu’elles ont été les plus meurtrières perpétrées en France depuis des décennies. Parce que les Français ont modifié leur comportement. Les Français singent les Américains après les attaques de New York du 11 septembre 2001. En tous points, que cela en est pathétique. C’est d’autant plus facile à déceler, que sous l’effet du choc, chacun y va de son commentaire peu réfléchi, sur les réseaux sociaux et autres blogs.

  • Comme les Américains en 2001, les Français ne comprennent pas comment cela est possible qu’une attaque survienne sur leur territoire, eux qui vivent dans un pays de paix, d’amour et de tolérance. Oui, sauf qu’ils ont oublié d’ouvrir les journaux : la France est en guerre. La France a fait la guerre en Libye en 2011, où elle a armé les rebelles pour faire tomber le dictateur, dont les armes se sont ensuite évaporées dans la nature ; la France a fait la guerre contre les islamistes au Mali en 2014 et surtout, la France fait aujourd’hui la guerre au Sahel (l’opération Barkhane) et contre l’État islamique (l’opération Chammal). Pour un pays de paix, on repassera. L’autre pays qui vient d’être touché par un attentat terroriste est la Russie (Vol 9268 Metrojet), le 31 octobre : 217 morts. Or, la Russie est justement le pays le plus actif dans la guerre contre l’État islamique. Malgré ce que l’on peut entendre, ce n’est pas eux qui nous ont déclaré la guerre : c’est nous.
  • Un élan de patriotisme a soufflé sur la France. Drapeaux français, reprise de l’hymne national. Ils se disent fiers d’être Français, fiers d’être Parisiens. D’acccord, mais pourquoi maintenant ? Les terroristes n’attaquent pas la baguette, ni le béret, ni la gastronomie. Certes ils attaquent le TGV, fleuron de notre industrie passée 😉 Sérieusement, les terroristes attaquent internationalement et poursuivent des buts politiques. Ils rejettent le monde occidental, mais n’ont pas de problème spécifique avec l’identité française a priori. Certains Franças disent entrer en résistance. En résistance contre quoi ?
  • La population comme le gouvernement s’empressent de valider un USA Patriot Act à la française : mise en place d’un état d’urgence étendu à trois mois et un rétablissement des contrôles aux frontières. On nage en pleine dérive sécuritaire : un état d’urgence, ce sont des perquisitions sans l’aval d’un juge, des plein pouvoirs à la police et des privations de libertés diverses et variées. Déjà après les attentats contre Charlie Hebdo en janvier, la France avait définitivement pris le chemin du totalitarisme avec la loi sur le renseignement qui instaurait de facto une surveillance de masse. Bienvenue dans le gentil monde de l’état cow-boy.

Pour l’anecdote, on notera le mauvais accaparement du sujet sur les réseaux sociaux. Facebook se veut directif et dit aux gens ce qu’ils doivent faire (et ça marche !) : « Il semble que vous soyez dans la région touchée par Attaques terroristes à Paris. Dites à vos amis que vous êtes en sécurité. » ; « Changez votre photo de profil en y mettant le drapeau français pour montrer votre soutien à la France et aux Parisiens. ». Facebook, très américain, attise donc le patriotisme. Twitter aussi américanise le sujet, avec le #PrayForParis fort mal à propos dans un pays peu religieux touché par le fanatisme.

Quel est le bilan, du point de vue terroriste ? Sur l’aspect semer la terreur, ils ont réussi : les Français ont peur. Ils ont aussi remporté une victoire dans leur guerre asymétrique contre la France. Sur l’ordonancement, ce n’est pas trop mal : plusieurs attaques non détectées et effectuées au même moment. Sur la destabilisation, c’est plutôt bon : la France s’est précipitée dans une dérive sécuritaire et nationaliste, restreignant les libertés, probablement exactement ce que recherche l’État islamiste. Sur l’efficacité par contre, on frise clairement l’amateurisme. Certains attentats suicides n’ont fait comme seule victime que leur auteur, et il n’y a qu’une centaine de morts alors qu’une cible était un stade de football et une autre une salle de concert (de death metal !) pleine à craquer. La plupart des témoignages de policiers et de témoins évoquent un manque d’organisation étonnant. On voit que l’État islamique est en phase de rodage et n’a pas de réels agents efficaces. Tant mieux.

Rapidement, on a vu fleurir des messages appelant à ne pas stigmatiser les Français arabes, les musulmans ni les réfugiés. Il ne faut effectivement ne pas faire d’amalgame. Toutefois, il ne faut pas faire d’angélisme non plus. Les attaquants du 13 novembre sont tous d’origine immigrée (sauf un Réunionais, si j’ai bien lu) et sont tous musulmans. Ils ne s’appellent pas Patrick ou Jean-Pierre et ne sont pas issus de vieilles familles du Poitou. La majorité des Maghrébins et des musulmans français sont pacifiques et de nombreux immigrés contribuent à la richesse de la France, à tous points de vue. Cependant, il faut assumer : l’Europe a un problème avec certains immigrés et certains musulmans. Évidemment, même les musulmans communautaristes et intégristes ne sont pas pour autant des terroristes potentiels. Mais il y a un danger de ce côté là : l’État islamique cherche à les séparer du reste de la société. Le but ? Pouvoir les enrôler d’une part, d’autre part les séparer du reste de la société, faire monter le fascisme et tendre vers la guerre civile.

Le terrorisme est là, il va falloir s’y habituer. Ces attaques ne sont pas les dernières. Il vise en particulier les pays impliqués dans le conflit contre l’État islamique ainsi que les pays identifiés comme « islamisables ». En dehors du vol 9268 Metrojet russe déjà évoqué, rappelons que Beyrouth a été touché le 12 novembre (quarante morts), Ankara le 10 octobre (cent morts) et citons les deux attaques tunisiennes sur la plage de Port El-Kantaoui le 26 juin (trente-neuf morts) et au musée du Bardo le 18 mai (vingt-quatre morts). Il est difficile de mettre en place des mesures sécuritaire efficaces contre le terrorisme, à part des patrouilles de police et l’utilisation des services de renseignements extérieurs et intérieurs. Fermer les frontières par exemple, c’est du vent : qu’est ce qui distingue un terroriste français ou belge d’un gentil français ou belge ?

Que faire ? La première chose est de repenser sérieusement la diplomatie et la défense de la France. Réfléchir à quels sont les intérêts de la France et quelle doit être sa position au niveau international? Ces dernières années, la France a eu une position et une stratégie brouillone ; elle a combattu avec les islamistes (en Libye, en Syrie) et contre les islamistes (au Mali, au Sahel, en Syrie encore) ; elle est tour à tour contre puis avec le gouvernement iranien, les présidents el-Assad et Poutine. La France doit aussi revoir ses partenariats avec certains pays comme le Qatar, souvent accusé de financer le terrorisme, l’Arabie Saoudite ou le président turc Erdogan, qui jouent double-jeu. Bref, il faut identifier les alliés et les ennemis, faire les guerres nécessaires et éviter les conflits inutiles ou qui ne nous concernent pas. Le cas échéant, il est nécessaire d’assumer et de prévoir les conséquences – riposte terroriste – de nos implications militaires. Il faut aussi avoir les moyens militaires et de renseignement à la hauteur de ses ambitions (ce qui n’est pas le cas actuellement). Une bonne stratégie est aussi celle qui se veut la plus indépendante possible : la France doit se détacher de l’OTAN et ne plus se comporter comme un vassal des États-Unis d’Amérique.

Ensuite, sur le territoire national, il faut faire un effort pour lutter contre le communautarisme, pour la laïcité, pour l’assimilation, pour les valeurs républicaines héritées des Lumières. Là où aujourd’hui on entend une rhétorique belliqueuse, violente, il faudrait surtout mettre en avant la liberté, la fraternité. Surtout, il ne faut pas négliger la politique sociale : on imagine mal un cadre père de famille, propriétaire d’un petit pavillon, tirer sur des gens avec une kalachnikov le soir après sa journée de boulot. Personne n’en parle, pourtant la pauvreté et l’humiliation attisent les haines. La plupart des terroristes ont grandi dans des cités pourries abandonnées par la République.

En définitive, citons Bachar Al-Assad : la politique française a « contribué à l’expansion du terrorisme ». Même s’il ne pensait sans doute pas exactement aux mêmes causes que moi, il a parfaitement raison.

L’avenir sombre de la fusillade de Charlie Hebdo

L’attentat, qui a été commis avant-hier contre Charlie Hebdo, suivi de la double prise d’otages aujourd’hui, est une catastrophe. Je dois reconnaître que je ne suis pas un grand lecteur de Charlie, préférant le ton plus spirituel du Canard Enchaîné. Cependant, l’événement m’a touché et m’a ému. Charlie est un pilier de la presse française, avec son humour (parfois trop) gaulois, ses provocations et son anarchisme à peine dissimulé. J’aimais aussi le Charlie du temps de Cavanna et de Siné, et j’aimais particulièrement les caricatures de Cabu et Tignous. Cependant, en dehors de la perte inadmissible pour la nation de caricaturistes et des journalistes parmi les plus talentueux, chaque mort de cet événement est une catastrophe.

Des para-militaires face à des dessinateurs. La barbarie la plus crasse face à la civilisation. Le fondamentalisme religieux face à l’irrévérence de l’esprit libre. La folie face à l’intelligence. Il est important de noter que les trois assassins ont tous mon âge, sont nés et ont été scolarisés en France : ce n’est donc pas à proprement parler une attaque de l’étranger. Il s’agit de jeunes délinquants, probablement pas très malins, qui ont été séduits par des prédicateurs radicaux. Oui, les croisades sont loin, la Saint-Barthélémy aussi et pourtant, la religion tue encore cruellement en France. La presse et plus largement toute la société française doit être solidaire face aux extrémistes religieux.

Les conséquences de cet attentat sont multiples, mais toutes dramatiques. Cette fusillade va renforcer le ressentiment des Français contre les musulmans et les arabes (bien que deux victimes soient originaires du Maghreb), provoquant du racisme – et donc va nuire à la cohésion nationale. Ceci va faire progresser l’extrême-droite, d’autant plus que la peur va engendrer une volonté d’un régime fort. D’autre part, la lutte contre le terrorisme avec le renforcement de vigi-pirate et probablement divers lois font craindre une dérive sécuritaire qui va nuire aux libertés individuelles. Enfin, cet attentat risque également de servir d’exemple à d’autres islamistes.

Pour lutter efficacement contre ce terrorisme, il faut évidemment renforcer la coopération policière et militaire internationale pour la lutte contre le terrorisme à l’échelle mondiale, en particulier au Moyen-Orient et en Afrique – Daesh (État islamique en Irak et au Levant), Irak, Yémen, Algérie, Mali, Nigéria etc. – ainsi que dans les pays alliés de l’Occident comme l’Arabie Saoudite, le Pakistan ou le Qatar. Parallèlement, il faut également que la presse, comme l’école, continue d’être libres et qu’elle ne s’auto-censurent pas sur la question religieuse. Et que les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité ainsi que la laïcité continuent à être propagées, afin que ni les terroristes religieux, ni les fascistes, ne puissent jamais soumettre les Européens.

Petit clocher

Il y a exactement un an, j’écrivais que près d’un quart des Français se disent « sans religion » et que selon la même étude du CSA, 64,5% des personnes interrogées se disaient catholiques. Je me réjouissais de voir de nombreuses nouvelles personnes sortir des griffes de la religion. Cette année, rebelotte, un nouveau sondage sort sur le sujet et j’en suis ravi.

Selon un sondage du CSA paru pour Le Monde des Religions, il n’y aurait, au début de cette année 2007, que 51% des Français à se déclarer catholiques, alors qu’ils étaient 80% jusqu’au début des années 90 et 69% en 2000. Parmi eux, il n’y aurait que 10% de pratiquants réguliers (messes, fêtes religieuses, sacrements du baptême, du mariage, de la communion, amen.), soit 5% des Français. On estime par ailleurs qu’il y a actuellement 4% de musulmans, 3% de protestants et 1% de juifs, pratiquants ou non. Évidemment, les différentes âneries prononcées périodiquement par les deux grands gourous Karol Wojtyła et Joseph Ratzinger sont probablement pour quelque chose dans cette baisse rapide. Il faut dire aussi que la religion catholique est vraiment de moins en moins en phase avec le monde moderne.

Une autre nouvelle amusante arrivée en même temps concerne les ressources de l’Église catholique. On apprend qu’elles s’élevaient en 2003 à 446,5 millions d’euros, dont 42,1% provenaient du denier de l’Eglise (l’ancien « denier du culte »), 14,7% du casuel (offrandes faites à l’occasion de baptêmes, mariages et enterrements), 30% de la quête, et 13,2% des offrandes de messes (dons destinés à organiser des messes à une intention particulière). Même si c’est beaucoup moins qu’au temps de la dîme, je pense que peu importe son nombre de fidèles, le Pape est pas près de manquer d’essence pour ses jolies parures.

Dire que pendant des années, la France était le pays le plus fidèle au dictateur du Vatican. Voici enfin venu le temps de la liberté?

Les causes de la guerre en Tchétchénie

La Tchétchénie a été le théâtre de durs affrontements, de conflits intenses touchant des civils sur place, additionné d’actes de terrorisme en réaction. Pourquoi Vladimir Poutine n’a pas accordé son indépendance à la Tchétchénie? Pourquoi ce territoire escarpé et modeste fait autant face à la violence?

La République tchétchène a du gaz et du pétrole. Cependant, le Caucase ne représente que 2% du pétrole russe. C’est peu. En revanche, en Tchétchénie passe l’oléoduc qui relie la mer Caspienne (Azerbaïdjan, Kazakhstan, etc.) à la mer Méditerranée, en particulier pour la Turquie. Ceci est important pour l’économie russe et en voici la preuve : en 2005, les États-Unis ont construit un oléoduc concurrent traversant l’Azerbaïdjan et la Géorgie, contournant la Tchétchénie. Toutefois les raisons économiques ne sont pas la seule cause de l’escalade militaire.

En effet, il faut absolument prendre en compte la politique intérieure. La guerre et la lutte contre le terrorisme est un moyen commode de justifier une politique autoritaire et le contrôle des médias. Le conflit en Tchétchénie a été très utile à la prise en main de la Russie par Vladimir Poutine.

En réalité, la guerre en Tchétchénie et au Daghestan voisin est également au centre d’intérêt géopolitiques étrangers. Certains islamistes, financés par des pays du Golfe, rêvent d’un Caucase islamique séparé de la Russie. On peut aussi y voir la patte des États-Unis d’Amérique et de la CIA, qui dans un contexte post-guerre froide, n’avait pas pour seul objectif l’effondrement de l’URSS, mais aussi le morcelement de la Russie afin de l’affaiblir. Dans ce plan, les séparatistes tchétchènes peuvent être très utile, un peu comme les Afghans ont été supportés par les Américains contre l’Union soviétique dans les années 1980.