Éric Zemmour, mauvais candidat

La rumeur autour d’une possible candidature d’Éric Zemmour à l’élection présidentielle de 2022 enfle de jours en jours. Cela ressemble à une mauvaise plaisanterie, cependant Éric Zemmour n’infirme pas catégoriquement cette hypothèse et des soutiens ont créé une association « Les Amis d’Éric Zemmour » au printemps. D’une certaine manière, le talentueux polémiste avait déjà laissé plané le doute sur ses intentions futures en tenant un discours lors de la convention de la droite de Marion Maréchal en septembre 2019.

Avec une candidature, Éric Zemmour aurait beaucoup à perdre. L’essayiste à succès, va s’exposer à toute une série d’attaques personnelles, ses concurrents vont traquer le moindre détail de sa vie et de celle de ses proches pour le déstabiliser. On pense bien entendu à François Fillon, mais aussi à Benjamin Griveaux. La politique, c’est aussi le risque de compromission, de récupération. Éric Zemmour en a bien l’habitude, mais il sera encore plus au centre de l’attention médiatique, où l’on retient une petite phrase sans le contexte, où le contenu est déformé par ses opposants, où on colle des étiquettes.

Il y a aussi l’attitude. Éric Zemmour est un homme de constat, qui critique, qui énonce ce qu’il perçoit comme des problèmes, au cours de ses interventions ou dans ses livres. Rien ne prouve qu’il est capable d’apporter des solutions concrètes et d’être un homme d’action, comme doit l’être un politicien. Le journaliste est courtois, mais il est direct dans ses interventions, avec un avis très tranché. L’art de gouverner, c’est aussi le compromis.

Enfin, le fond pose aussi question. Éric Zemmour est un obsédé de l’islam, bouc émissaire de tous les maux utilisé à outrance. Pourtant, le président de la France devra aussi représenter les Français dans leur ensemble. Si l’immigration et le sociétal sont des thèmes qui lui tiennent à coeur, avec la caricature jamais très loin, il est totalement absent sur d’autres sujets sur lequels il ne s’exprime jamais malgré son temps d’antenne pléthorique. Parmi ces thèmes absents, certains sont pourtant majeurs comme l’écologie, la santé, l’informatique.

Éric Zemmour, en apportant un éclairage historiaue ou des pistes de réflexion, en mettant les élus et les intellectuels devant leurs contradictions, est bien plus utile au débat public en tant que journaliste politique qu’en tant que politicien.

Nul ne doit être agressé pour ses idées

Ce weekend, le journaliste politique Éric Zemmour s’est fait copieusement insulter, menacer et cracher dessus par un individu qui s’en est vanté sur les réseaux sociaux. Beaucoup ont condamné cette agression, dont le président de la République, ce qui est tout à son honneur même s’il y a sans doute une arrière-pensée politique. En revanche, on voit un certain nombre de publication sur le thème de « oui, mais » qui grosso modo, accusent Éric Zemmour de récolter ce qu’il sème. C’est vrai, Éric Zemmour est un polémiste qui assène sa vision de la réalité de manière très directe, il fait parfois des amalgames assez odieux et il aime bien désigner des boucs émissaires. Le journaliste reste cependant sur le plan intellectuel, s’exprimant dans des débats ou dans des livres, avec assez souvent des interlocuteurs qui lui donnent la contradiction. Surtout, cela ne justifie en aucun cas la violence.

En France, personne ne devrait être agressé pour ses idées. Ni Éric Zemmour, ni Alain Finkielkraut, ni Dieudonné, ni Marine Le Pen, ni Arlette Laguiller, ni Emmanuel Macron. Aucun journaliste, intellectuel, homme politique peu importe le parti, ne devrait être agressé pour ce qu’il a dit ou écrit. On a le droit d’être en désaccod complet avec une personnalité, ou de se sentir insulté, mais il faut se défendre par le verbe et non par les poings. Personne ne devrait être agressé tout court bien entendu, mais agresser pour des idées, c’est être contre la démocratie.

Les publications accusant Éric Zemmour de l’avoir bien cherché sont du même acabit que les gens qui refusent de condamner l’assassinat des caricaturistes de Charlie Hebdo car ces derniers avaient blasphémé. Ces publications prennent parti pour le totalitarisme. En accusant Éric Zemmour de l’avoir bien cherché, elles défendent, sans le savoir, ceux qui veulent imposer leur point de vue par la force, faire taire les autres coûte que coûte, étouffer le débat et imposer leur vision du monde comme unique valable.

Je suis Charlie, mais juste un peu

Il y eût un très bel élan de solidarité de tous les Français dans les rues, suite aux attentats contre Charlie Hebdo. De grandes marches organisées le 10 et le 11 janvier 2015. Tous avec un joli slogan « Je suis Charlie ». Mais sont-ils vraiment Charlie ?

Évidemment, certains politiciens présents dans le cortège parisien n’étaient pas Charlie : je pense aux représentants de certaines dictatures africaines ou du Moyen-Orient, à Sergueï Lavrov, ministre des Affaires étrangères russe, pays où la liberté de la presse n’existe pas. Il s’agissait simplement d’une courtoisie diplomatique. À l’inverse, d’autres n’ont pas fait semblant et ne sont pas venus. Peu de pays asiatiques étaient présents, ce que l’ont peut regretter même si on imagine mal la Chine ou l’Arabie saoudite venir défendre la liberté d’expression. Malgré une allocution en français de John Kerry à la télévision, aucun haut responsable du gouvernement états-unien n’a participé à la manifestation, seule l’ambassadrice américaine étant présente. On peut y voir le peu de cas que fait Obama de l’Europe et le mépris des Américains pour la laïcité. De même, seul le ministre de la Sécurité publique du Canada était présent, malgré une importante manifestation de soutien à Montréal. D’autre part, il semblerait que la population d’origine maghrébine était peu réprésentée : ceci est sans doute le symptôme d’une population qui a du mal à condamner l’islam, même sous sa forme la plus radicale. Enfin, l’extrême-droite française était absente, mais les politiciens avaient cherché à exclure le Front national de ces marches républicaines : on ne pourra donc pas reprocher aux crânes rasés et autres Marinistes de n’être pas venus.

Charlie Hebdo est un journal satirique, athée et irrévérencieux. Quand on le lit, on a souvent l’impression d’entendre le slogan anarchiste « ni dieu, ni maître, ni état, ni patron » entre des bonnes tranches de rigolade et des passages bien grossiers. Les rédacteurs et dessinateurs de Charlie Hebdo font ce qui leur plait et se moquent bien des opinions des autres. La liberté, par définition, n’a pas de limite. Si on veut garder une société démocratique et tolérante, il faut donc essayer de limiter les libertés d’expression et de la presse le moins possible.

Les politiciens comme le peuple français se revendiquent tous de Charlie. Pourtant, avant l’attentat, bien peu de gens soutenaient le journal. Une des premières réactions du gouvernement a été d’appeler au contrôle d’Internet. Depuis quelques années, les mouvements communautaires (anti-racistes, féministes, LGBT et autres) ont permis de faire passer toute une série de lois contre l’incitation à la discrimination et la haine qui, de fait, réduisent la liberté d’expression. Exit la période des Coluche, Desproges, des Inconnus : aujourd’hui le discours doit être « bien-pensant », dans la norme. Éric Zemmour est viré d’I-Télé, les spectacles de Dieudonné sont interdits par l’État. Quand Michel Onfray fait la promotion de l’athéïsme et démontre que les textes saints des religions monothéistes ont des passages qui incitent à la violence, on lui demande de se taire et on le labellise « islamophobe ». Dès qu’une personne dit une chose qui sort du politiquement correct, on parle de « dérapage » et on en appelle à la censure immédiate, quant on ne déclenche pas une avalanche de procès. Le bons sens inciterait simplement à démonter les arguments avancés et à passer à autre chose, mais non. Il n’y a pas de place pour lé débat ni pour l’humour noir : on pourrait choquer quelqu’un.

Tout ceci pourrait être résumé par la phrase hyprocrite du pape François : « la liberté d’expression est un droit fondamental mais ne doit pas insulter les croyances d’autrui ». Une liberté pas libre, en somme. C’est la société française d’aujourd’hui et elle n’est pas Charlie.