Guerre en Ukraine

La Russie a reconnu les républiques séparatistes de Donetsk et de Lougansk le 21 février. Le 24 février, cela a été suivi contre toute attente d’une opération militaire dans l’Ukraine entière. Cette invasion de l’Ukraine est difficilement justifiable, le territoire ukrainien représentant certes un enjeu géopolitique important pour les Russes, mais ne présentant absolument pas une menace directe pour la Russie. Avant même de commencer à parler de politique ou de stratégie, cette guerre en Europe est un drame immense. Il devrait toujours y avoir une solution pacifique qui évite de nombreux morts, blessés, traumatisés, réfugiés – auxquels on pense, avec compassion, en premier lieu.

Il est difficile de comprendre l’objectif de cette invasion de l’Ukraine, qui peut ressembler au début de la guerre de Géorgie de 2008. Si on suit les messages de Poutine, il est probable que le but à court terme soit de détruire l’armée ukrainienne et de renverser le gouvernement. Mais ensuite? Si la Russie se retire, elle aura perdu l’Ukraine (en dehors des républiques et de la Crimée pour toujours). Poutine veut-il simplement annexer l’Ukraine comme il l’a fait avec la Crimée? Dans ce cas, comment arrivera t’il à gérer la partie de la population qui de plus en plus pro-européenne, celle de la révolution orange, d’Euromaïdan, et le sentiment anti-russe très fort généré par l’annexion de la Crimée et la présente guerre? Ou compte t-il nommer un dictateur qui fera une répression dans le sang, comme Ramzan Kadyrov en Tchétchénie ou Alexandre Loukachenko en Biélorrusie?

La résistance et de le courage de l’armée ukrainienne comme du gouvernement ukrainien, Zelensky en tête, est exemplaire. Sur le papier, l’avantage est clairement à la Russie. La Russie est une des premières armées du monde, avec de l’expérience, de la haute technologie et l’arme nucléaire. Son budget est d’environ 60 milliards de dollars pour 2002, dix fois plus que l’Ukraine. Si l’armée russe a eu l’avantage de la surprise qui a donné un avantage tactique, l’armée et les volontaires ukrainiens ont eux l’avantage de la motivation, leur liberté voire leur existence étant en danger, alors que les soldats russes pas toujours bien traités ne sont pas forcément très convaincus de la légitimité de leur action. De plus, l’Ukraine va probablement utiliser une stratégie de guérilla, qui pourrait retarder une armée russe plus conventionelle. Poutine a intérêt à atteindre ses objectifs rapidement, sinon la guerre risque de s’annoncer plus longue et plus compliquée que prévue. Le fait que de nombreux pays occidentaux annoncent vouloir financer et livrer des armes (défensives ou offensives) à l’armée ukrainienne devrait réduire un peu l’inégalité initiale.

Si les États-Unis et les pays de l’OTAN ne souhaitent pas intervenir militairement, en revanche ils ont décidé très rapidement et unanimement toute une série de mesures répressives et de sanctions contre la Russie. Des sanctions symboliques touchant Vladimir Poutine et ses proches, mais aussi des sanctions assez sévères touchant l’économie russe. Cela pose de très nombreuses questions. Tout d’abord, la rapidité de ces décisions, sans débats dans les parlements nationaux ni référendum, interroge sur leur légitimité démocratique. Ces sanctions font choisir un camp aux pays qui les prennent et, en plus d’éventuelles décisions d’aide militaire ou logistique à l’armée ukrainienne, font mettre un pied à ces états dans la guerre, avec le risque d’escalade et d’extension du conflit que cela pose. De plus, les sanctions peuvent menacer l’économie des pays émetteurs de sanction, avec une répercussion sur le coût de la vie. Enfin, les sanctions économiques vont aussi affecter négativement la vie des Russes et des Biélorusses, qui ne vivent pas dans des démocraties et sont les premières victimes de leur dictateur. Plus étrangement, le monde de la culture et du sport, espaces généralement neutres et pacifiques, sont aussi impactés, avec l’annulation d’événements en Russie ou le bannissement des artistes et des sportifs russes.

Si l’on a raison de critiquer l’attaque abjecte de Poutine contre l’Ukraine, on peut s’étonner du deux poids, deux mesures. La Corée du Nord a le droit de participer aux compétitions sportives sans que cela ne choque personne, de même que l’Afghanistan des talibans. La guerre civile yéménite, qui oppose l’Arabie saoudite à l’Iran et génère une famine majeure, n’a fait l’objet que de peu de commentaires ou de sanctions. Les prisons secrètes de la CIA et le camp de Guantánamo, avec tortures en dehors de tout cadre légal, ne dérangent personne non plus. Israël qui continue la colonisation des territoires palestiniens et viole le droit international en permanence, pas de sanctions. Les occidentaux entretiennent des relations très chaleureuses avec la dictature chinoise et certains pays du Moyen-Orient qui appliquent la charia et financent le terrorisme.

Pourquoi une telle hâte dans la mise au ban de toute la Russie? Est-ce pour faire oublier que l’élargissement constant de l’OTAN et de l’Union Européenne est une des causes du conflit actuel?

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