Nuit noire à Dunkerque

Le Carnaval de Dunkerque est une grande fête de la région dunkerquoise depuis le XVIIe siècle. Le plus grand carnaval en France est aussi une véritable institution culturelle avec un folklore fourni. Durant plusieurs jours, les gens se retrouvent dans des défilés ou des bals, forment des équipes, une grande partie des hommes sont déguisés en femme, on jette des harengs de l’hôtel de ville, on chante, on rit, on boit, on danse, on se bouscule un peu rudement, on chahute.

Or, cette année, le carnaval est accusé de racisme. Pourquoi ? Un des travestissements traditionnels est celui de sauvage zoulou à grand coup de maquillage noir, grimaçant, qui a même le droit à son bal dédié : la Nuit des Noirs. Or, une association francilienne d’activistes noirs en mal de reconnaissance a décidé de sauter sur l’occasion pour faire parler d’elle. Quelques jours avant, une photo d’Antoine Griezmann, le brillant attaquant de l’équipe de France de football, grimé en basketteur noir avait déjà provoqué une polémique. Pour les militants, il faut donc battre le fer parce qu’il est chaud. Une tentative d’associer maladroitement l’événement à une problématique américaine, le blackface (caricature stéréotypée de personne noire dans le théâtre américain du XIXe et de la première moitié du XXe siècle) a même été essayée. Sans doute parce que les militants noirs français puisent leur inspiration dans les puissants mouvements afro-américains (Black Panther, Nation of Islam). Sauf que là, on parle de Dunkerque, pas de Chicago. Il n’y a pas de Ku Klux Klan dans les Flandres françaises, la pluie éteindrait les bûchers.

Lors du carnaval de Dunkerque, les gens de tous les âges, de toutes origines sociales et de toutes les couleurs de peau (eh oui, il y a aussi des Noirs à Dunkerque) se retrouvent pour se déguiser. Les déguisements sont volontairement grossiers et caricaturaux, pour s’amuser. Personne ne s’intéresse à leur authenticité : ce n’est pas un documentaire. On peut se déguiser en Spirou ; en pélican ; en Français avec sa baguette, son béret et sa moustache ; on peut aussi se déguiser en zoulou. Quand on se travestit en femme, ce n’est pas de la misogynie ; quand on se déguise en vampire ce n’est pas pour boire le sang des gens. La couleur de la peau n’a rien à voir là-dedans, c’est pour de faux, pour s’amuser. La ligue de défense norvégienne devrait-elle attaquer les carnavaleux déguisés en Vikings ? Les masques blancs du carnaval de Venise sont-ils racistes ? Un clown qui se maquille en blanc, est-ce du suprémacisme blanc ?

Je peux comprendre que certains déguisements ne fassent pas rire certains, voire puissent malheureusement les blesser, comme peuvent le faire des caricatures dans les journaux. C’est cela la liberté d’expression, et surtout, il faut comprendre que les gens font cela pour s’amuser et non pas pour blesser quiconque. Si le carnaval ne vous plaît pas, n’y allez pas ! Ou alors, allez-y et singez un blanc ! Cela sera aussi une bonne occasion de manger un potjevleesch et de visiter la ville de Jean Bart, car il est évident que de tous ces militants n’y ont jamais mis les pieds.

Bien que la polémique ait surgi jusque dans les médias nationaux, la mairie de Dunkerque a confirmé que la Nuit des Noirs aura bien lieu le 10 mars 2018. Environ 10 000 personnes sont attendues dans la Kursaal. N’oubliez pas de réviser vos chants de carnaval !

Le Kremlin vous parle

Ce 18 décembre 2017, RT (Russia Today) a lancé discrètement sa version française qui suit ses déclinaisons en anglais, en arabe, en espagnol et en allemand. L’État russe a investi des millions d’euros pour cette chaîne qui ne sera probablement jamais rentable. RT est actuellement seulement disponible sur les boxs internet de Free, via satellite et sur son site officiel. Qu’est-ce donc que cette chaîne ? RT est un média international chargé de donner à la Russie une voix à l’étranger, similairement à ce que font d’autres grandes puissances avec France24, Al Jazeera, Voice of America, BBC World News ou China Global Television Network.

Officiellement chargée de promouvoir une meilleure image de la Russie, la chaîne fait évidemment partie intégrante de la politique étrangère du Kremlin. Un tour sur son site web indique bien qu’on est face à un contenu très particulier. En plus de défendre la ligne officielle du Kremlin, pro-russe et souverainiste, RT est une machine à critiquer la société occidentale. Le téléspectateur doit douter du monde qui l’entoure et comprendre que Poutine n’est pas le méchant dictateur corrompu décrit par les intellectuels et les journalistes des autres médias. Il ne s’agit pas de montrer qu’en Russie on vit comme en Europe occidentale, c’est exactement l’inverse : RT en fait des tonnes sur la corruption, la violence policière, l’injustice, les difficultés économiques et sociales, la perte de souveraineté et le déclinisme, pour faire croire au téléspectateur qu’en France, on vit comme en Russie. Le but est de créer de la confusion pour nuire à la réflexion et à l’esprit critique, un peu dans la ligne des slogans du roman 1984 d’Orwell : « La guerre, c’est la paix ». Enfin, comme pour l’agence de presse RIA Novosti, RT est très proche de l’extrême-droite française, en particulier des très connectés « identitaires ». Cette extrême-droite étant financée et supportée par la Russie de Poutine, ce n’est pas une grande surprise. La chaîne donc insiste lourdement sur l’immigration, l’islam et le terrorisme.

En diffusant dans les plus grandes langues européennes, le but de Poutine est donc de toucher les Européens directement, d’essayer de déstabiliser les principaux pays européens pour renforcer son pouvoir. Pas besoin de propagande grasse pour cela, il suffit juste d’appuyer où ça fait mal. Le complotisme, des informations à moitié vraies devraient réussir à créer quelque chose. On a vu que l’élection de Trump a largement été supportée par la Russie, tout comme l’indépendance de la Catalogne.

Au final, on peut quand même regretter que cette chaîne passe plus de temps à taper sur les occidentaux que de parler de la Russie. En effet, un rééquilibrage est sûrement nécessaire. En France, la majorité des journalistes sont généralement très mauvais quand il s’agit de parler de la Russie. Sans avoir besoin d’évoquer l’atlantisme ou le caractère anti-russe de certains papiers, la majorité des médias, y compris des publications majeures dites « sérieuses » comme le journal Le Monde, s’illustrent souvent par leur incapacité à comprendre la politique russe. La Russie y est présentée comme l’URSS de la guerre froide, on aurait presque l’impression que c’est encore le parti communiste qui gouverne le pays. Somme toute, le téléspectateur russophile devra se débrouiller à se faire son opinion entre les médias anti-russes, les médias incompétents sur la question russe et le nouveau média russe anti-occidental rédigé par l’administration poutinienne. Bonne chance !

Grossophobie ou santé ?

Dans le cadre de la Semaine de lutte contre les discriminations, le 15 décembre 2017, la Mairie de Paris a organisé un événement grand public pour lutter contre « la grossophobie ». On passera sur le terme particulièrement mal choisi : personne n’a peur des gros. On devrait davantage parler de misogrossie (misodêmos ?). Les personnes en surpoids sont la cible de moqueries et de discriminations, c’est parfaitement sain et juste d’en parler. Cependant, ce sujet comporte un risque : banaliser l’obésité. C’est souvent ce biais que l’on remarque en Amérique du Nord lors de campagnes pour défendre les personnes obèses ou en surpoids : on veut faire passer le surpoids pour quelque chose de normal.

L’article de la mairie de Paris resence des stéréotypes « grossophobes » et parmi eux, on retrouve : la maladie (sic). L’OMS indique qu’un surpoids augmente les risques de contracter des maladies cardiovasculaires, le diabète, les troubles musculo-squelettiques (en particulier l’arthrose) et certains cancers. Bref, être en surpoids, cela arrive, cela ne doit pas être source de discrimination, mais ce n’est pas une simple apparence physique neutre : c’est un problème pour la santé et il ne s’agit pas d’un stéréotype. Plutôt que d’adapter la société à un nombre croissant de personne en surpoids, il faut continuer de consacrer des programmes de santé pour aider les personnes en surpoids à retrouver un poids normal. Un poids plus agréable, non pour les autres, mais pour soi-même.