Le Royaume-Uni a dit oui au « brexit ». Maintenant, les médias nous déballent un scénario catastrophe pour la perfide Albion. On dit que les Britanniques se sont trompés, qu’ils n’ont pas compris. Qu’ils sont chauvins, voire racistes. François Hollande, à la télévision, a dit vouloir le changement pour l’Union Européenne, lui qui n’a jamais renégocié aucun traité et laissé le pouvoir à Angela Merkel. On entend déjà des européïstes zélés dirent qu’ils feront tout pour que le référendum ne soit pas respecté, comme faire un nouveau vote ou donner un statut particulier à Londres. On lit certains essayer de créer la zizanie en séparant le vote des jeunes et des vieux, les bulletins des écossais et ceux des anglaisi. Les politiciens expliquent que le « non » doit être pris avec des pincettes, qu’ils savent ce qui est bon pour le peuple, qu’il faut changer profondémment la manière de faire de la politique – mais bien sûr en gardant les mêmes gens qui sont déjà au pouvoir depuis des lustres. Bref, on nous promet la même fin que le référendum sur le Traité établissant une constitution pour l’Europe de 2005, rejeté par les Français et les Néerlandais et néanmoins adopté par la suite.
Pourtant, objectivement, c’est un choix démocratique par un peuple souverain, qui a réfléchi à la question pendant de longs mois et qui est venu nombreux aux urnes. Nous devons respecter le vote de nos voisins d’outre-Manche. Ils ont fait un choix difficile, osé c’est vrai, on verra. L’avenir nous dira si c’était un bon choix pour eux à long terme. En tous cas, c’était sans doute un des pays pour lequel c’était le plus facile de sortir : le Royaume-Uni ne participe ni à l’espace Schengen, ni à la zone euro, ni à l’Union bancaire. C’est aussi un pays riche, membre du Commonwealth, qui a des liens privilégiés avec la première puissance mondiale : les États-Unis d’Amérique. Il est assez probable qu’à l’instar de la Suisse ou de la Norvège, ils arriveront à établir de nombreux traités avec leurs voisins, afin d’avoir de nombreux avantages de l’Union Européenne, sans avoir à financer les pays pauvres. L’Union pourrait être tentée de peu collaborer avec les Anglais par vengeance ou pour éviter un effet domino, mais en même temps elle aurait du mal à snober ce voisin important (qui représentait tout seul 15% de l’économie de l’UE). Ce qui est certain, c’est que la sortie du Royaume-Uni de l’UE ne l’exonèrerait pas des règlements, directives et décisions votées à Bruxelles afin de pouvoir commercer avec l’UE, au sein de l’Espace économique européen.
Pour l’UE, je pense que le « brexit » ne sera peut-être pas si négatif qu’on nous le dit. D’une part, l’UE a perdu son membre le plus rebelle, qui bloquait la construction sur de nombreux points. Ensuite, on peut supposer que la sortie du Royaume-Uni fera que certaines entreprises de la City migreront vers Paris, Francfort ou Amsterdam. Côté francophonie, on ne peut aussi que se féliciter de voir la langue anglaise passer de 13% de locuteurs natifs à moins de 2% parmi les membres de l’UE.
Les raisons du « brexit » sont multiples, cependant certaines sont assez évidentes et pas propres au Royaume-Uni : l’UE d’aujourd’hui n’est pas satisfaisante. L’UE conduit à une perte de souveraineté, qui est difficile à accepter par les vieux pays et les grandes puissances. De plus, les citoyens ont du mal à être gouvernés par des instances non élues, comme la Commission Européenne, fonctionnant dans une certaine opacité (on le voit par exemple avec TAFTA) ; le Parlement européen a trop peu de pouvoir. L’UE de 2016, c’est aussi celle qui est dirigée par Angela Merkel qui applique à l’UE une politique bonne pour l’Allemagne seulement (ou presque). Je pense aussi que l’UE devrait être plus fédéraliste, moins libérale, harmonisée fiscalement (pour éviter les dumpings de pays comme le Luxembourg ou l’Irlande), qu’elle ne devrait pas mettre les entreprises européennes en concurrence entre elles, qu’elle manque aussi d’une force de défense indépendante de l’OTAN pour exister diplomatiquement. Si les technocrates européens n’analysent pas ces points, on continuera à avoir une montée de l’extrême-droite et un rejet massif de l’UE parmi les citoyens des pays occidentaux (France, Italie, Espagne, Pays-Bas etc.).