Obama : le bilan

Barack Obama n’est pas trop vieux, plutôt cool et sympa, fait du basket, est métis. Il fait « moderne », cependant cela ne fait pas un bilan. Barack Obama a été très bon en communication tout au long de son mandat ; au moment où son départ approche, regardons ce qu’il a fait.

À son crédit, on peut mettre avant l’évolution du système de santé, même si la couverture maladie universelle n’a pas été réalisée. Il a aussi soutenu le mariage homosexuel entré en vigueur en 2015. Pour le reste, il n’y a pas vraiment de quoi fanfaronner.

Son bilan en matière des affaires étrangères est mauvais :

  • Obama a affiché un désintérêt, voire un mépris, pour les états d’Europe occidentale, quand bien même si ceux-ci, partenaires historiques de l’Amérique, n’ont cessé de le courtiser ; le président américain trouve l’Asie plus séduisante ;
  • Il s’est complétement désengagé militairement et diplomatiquement des conflits au Moyen-Orient que son pays a pourtant activement provoqué les années précédentes, laissant pourrir la situation et se développer le terrorisme islamiste ;
  • A contrario, les États-Unis d’Amérique ont été actif en Ukraine pour essayer de rallier le pays dans le giron de l’OTAN. Même si Poutine a eu une attitude offensive qui n’a pas facilité les choses, Obama a participé à l’escalade des tensions avec les Russes dans le but de renforce son emprise sur l’Europe de l’Est. Dans le cadre de la crise syrienne, ol a aussi pendant de nombreux mois refusé de se mettre à la table des négociations avec les Russes pour faire front commun, faisant perdre du temps à tout le monde ;
  • Grande tradition américaine, Obama aura au final assuré un soutien solide à la politique israélienne, même si avec un peu moins d’enthousiasme que ses prédecesseurs. Il a aussi protégé ses intérêts dans la région en chérissant l’Iran et l’Arabie saoudite.

Surtout, Barack Obama a été le champion des pratiques illégales et liberticides :

  • Il n’a toujours pas fermé la prison illégale de Guantanamo où la majorité des détenus n’ont jamais été condamnés par la justice, alors que c’était une des promesses de sa première campagne ;
  • Il a espionné massivement (cf programme PRISM) les citoyens et les entreprises de son pays, ainsi que les Européens et le reste du monde. Il a cherché à neutraliser par tous les moyens les lanceurs d’alertes tels que Chelsea Bradley Manning, Edward Snowden, Julian Assange ;
  • Il a développé massivement l’usage de drones tueurs assassinant des gens dans des pays avec lesquels les États-Unis ne sont officiellement pas en guerre.

En conclusion, Obama après Bush, c’est un peu comme Hollande après Sarkozy : c’est un nouveau style de présidence, mais le bilan n’est pas meilleur. Bref, on sera vraiment heureux quand il sera parti. On a déjà peur du prochain président du plus puissant état du monde.

Apple vs FBI

Une mini polémique fait le « buzz » sur internet ces derniers jours. Le FBI a réclamé en justice l’aide d’Apple pour débloquer le téléphone de l’auteur de la tuerie de San Bernardino ; Apple refuse et le fait savoir. Certains s’extasient et voient en Tim Cook le grand défenseur des droits de l’homme. Facebook, Twitter (voire Google, plus timidement) soutiennent la position d’Apple. Qu’en penser ? D’abord, si on en croit la presse, Apple avait la clef pour déchiffrer les données passant par le WiFi utilisé par l’iPhone et l’a proposé à la police ; cela modère quelque peu leur position inflexible.

Je suis d’accord avec le contenu de la lettre publiée par Apple… sauf que je n’accorde strictement aucun crédit à cette sortie médiatique. Les grands groupes américains ont déjà montré qu’ils étaient de facto inféodés à l’administration américaine lors des révélations concernant PRISM, le programme de surveillance électronique de la NSA. Circulez, il n’y a rien à voir. On est dans une phase de communication, on brandit très haut des idéaux parce qu’en pratique il n’y a pas grand chose. Je pense même qu’il s’agit précisement du contraire. Après les révélations d’Edward Snowden, les services de renseignement et de police américains ont besoin de redonner confiance aux gens. De plus, le marché du cloud et de l’informatique est énorme : le manque de confiance dans les companies américaines leur a fait perdre des milliards de dollars. Apple, dont les produits design sont chéris du public et des médias est le partenaire idéal pour ce jeu de rachat de virginité. Bref, on est dans une grande opération de com’ (certains diront, « d’enfumage ») pour redonner confiance au chalan moyen. À consulter Internet, cela a l’air de fonctionner plutôt bien.

La France, état autoritaire ?

L’état d’urgence est une mesure exceptionnelle qui a été prise par le gouvernement suite aux actes terroristes de novembre dernier à Paris. Créé pendant la guerre d’Algérie, utilisé deux mois lors des émeutes dans les banlieues en 2005, l’état d’urgence est aujourd’hui là pour durer. Prorogé de trois mois à compter du 26 novembre 2015, la volonté du gouvernement est de le proroeré de nouveau à compter du 26 février 2016. Or, cette loi donne de facto des pouvoirs très étendus à la police : interdictions de circulation à des personnes données, assignation à résidence, fermeture de commerces ou de lieux de réunion, perquisitions à domicile, accès et copie des données électroniques (y compris si elles sont dans le cloud, à partir du domicile), dissolution d’associations, interdiction de manifestations, le blocage des sites internet « provoquant à la commission d’actes de terrorisme ou en faisant l’apologie ». Depuis la loi de 2015, ces mesures sont soumises au contrôle du juge administratif, mais a posteriori. En dehors de la loi de l’état d’urgence, le gouvernement a aussi décidé de la prolongation de la garde à vue durant 120 heures en cas de « terrorisme ».

Depuis Montesquieu, on estime généralement qu’un état respectueux des libertés a besoin d’un équilibre des pouvoirs. Or ici, la justice est passée à la trappe. Le juge est vu comme une formalité qui fait perdre du temps. L’État et les policiers peuvent enquêter, juger, emprisonner seuls sans l’aide de personne. Or, quasiment tout de suite, il y a eu des débordements. Les premières perquisitions ont visé massivement des musulmans intégristes, mais aussi des imams, simples pratiquants ou nouveaux convertis. Le terrorisme en France a un rapport évident avec l’islam, mais ces perquisitions sont-elles vraiment justes ? On peut être musulman intégriste, ça ne fait pas de nous un terroriste. La France reconnait la liberté de culte. Dans la pratique, c’est parfois une sérieuse atteinte à la liberté et la vie privée d’honnêtes Français musulmans. Ce sont des perquisitions, parfois de nuit, souvent la copie de toutes les données de disque dur et des téléphones… L’État a fait bloquer sans juge des sites islamistes : en quoi est-ce une menace pour la sécurité nationale ? Doit-on bloquer également les sites catholiques intégristes ? Plus grave encore, les interdictions de manifestations, perquisitions et assignations à domicile ont visé jusqu’aux militants. Cela a été très pratique lors de la conférence sur le climat COP21 : les manifestations prévues à Paris ont été interdites et divers militants écologistes assignés à résidence (voir note en bas de page).

Délire de gauchiste, d’anarchiste, de laxiste, de paranoïaque me dira t-on. Le terrorisme justifie d’employer les grands moyens. On peut bien restreindre un peu ses libertés pour la sécurité ! Pensez-vous cela ? Si oui, vous n’avez pas compris la gravité de l’enjeu. Le commissaire européen aux droits de l’homme a dénoncé des dérives et des abus. Les cinq rapporteurs de l’ONU, généralement discrets, se sont dits inquiets sur le fait que « certaines dispositions de ces lois peuvent imposer des restrictions excessives et disproportionnées » pour les libertés fondamentales. Amnesty International a aussi fait part de son inquiétude. Les dispositions citées précédemment sont graves, car elles restreignent progressivement les libertés et sont prévues pour rester en place.

La loi de Renseignement du printemps 2015 a instauré une surveillance massive de toute la population par l’État sans aucun contrôle, comme le faisait la Stasi, la police politique est-allemande. Après les attentats et la prolongation de l’état d’urgence, la France a informé officiellement le Conseil de l’Europe qu’elle dérogerait à la Convention européenne des droits de l’homme. Le Premier ministre a annoncé le mois dernier vouloir de nouvelles mesures sécuritaires. Le nouveau ministre de la justice nommé, Jean-Jacques Urvoas, est un ancien membre de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS). Il fût également le rapporteur de la loi Renseignement et aussi le rapporteur de la loi sur l’état d’urgence de novembre 2015 : tout un symbole. Elle est loin, la France des Lumières. Elle est loin, la France qui s’insurgeait face à la censure chinoise ou iranienne. Comme souvent, la France reproduit toutes les bêtises des États-Unis d’Amérique : patriot act et surveillance massive façon NSA. Il ne nous manque que la censure de la presse (mais elle est déjà surveillée et pratique largement l’auto-censure) et nous seront au même niveau que la Russie de Poutine. Les Français, qui n’ont pas conscience de leurs libertés, traumatisés par la peur du terrorisme et branchés sur la télévision, ne protestent que très peu. Il faut se rendre à l’évidence, regarder les définitions : peu à peu, la France bascule vers un état autoritaire.

Les buts politiques poursuivis par le couple Hollande/Valls ne sont pas limpides. Est-ce une volonté de contrôle du pays par le Premier ministre, dont on connaît le goût pour la censure ? Une volonté d’éliminer pour toujours l’image d’une gauche laxiste ? Un désir de donner au président une stature d’autorité et de chef de guerre ? Une volonté de séduire l’électorat du Front national ? Pire, pour un gouvernement qui mène une politique économique libérale, la volonté de contrôler toute révolte éventuelle du peuple ? Une nostalgie napoléonienne ? Peut-être tout à la fois.

Je finirai par une citation bien connue, attribuée à Benjamin Franklin (bien que le contexte était différent) :  »Ceux qui sont prêts à abandonner une liberté fondamentale, pour obtenir temporairement un peu de sécurité, ne méritent ni la liberté ni la sécurité ».

note : recensement des abus de l’état d’urgence