L’Europe n’est pas uniforme

Plusieurs amis ou connaissances qui reviennent de voyage en Europe m’ont fait exactement les mêmes commentaires : « J’ai parlé anglais partout, c’est la langue internationale » puis plus tard à propos d’un endroit « Les gens n’étaient pas sympas. Ils ne voulaient pas me parler ! Ils ne riaient pas à mes blagues. » et d’autres commentaires négatifs.

Je suis certain que dans certaines régions, les gens sont plus ouverts et plus agréables que dans d’autres. Cependant, croire qu’il existe un monde mondialisé, globalisé, uniforme me paraît être une erreur grossière. Même si elle possède un socle commun, l’Europe est un patchwork de culture, de sensibilité, de traditions différentes.

Croire que l’on va pouvoir débarquer partout et être à l’aise, sans avoir besoin de comprendre les gens ni de s’intégrer est un leurre. Si les gens étaient froids, c’est peut-être que l’on a abordé les gens directement en anglais : cela peut mettre à l’aise les gens maîtrisant mal cette langue, cela peut énerver les gens hostiles à l’impérialisme américain ou à l’Angleterre… ou cela peut être vu tout simplement comme quelque chose de particulièrement impoli (plutôt que d’aborder la conversation par quelques formules de politesse dans l’idiome local).

Finalement, si les gens ont mal réagi, c’est peut-être que sans le savoir, on n’a pas eu un comportement adapté à la situation. On a parlé du sujet qui fâche, fait un geste impoli (pensons aux Chinois qui crachent par terre en Occident !). De plus, certains pays sont froids de prime abord et très chaleureux une fois qu’on arrive à briser la glace ; alors que dans d’autres pays où on arrivera rapidement à avoir des échanges courtois, on aura du mal à aller plus loin.

Croire qu’un voyage en Hongrie équivaut à un séjour en République Tchèque, que la mentalité en Estonie correspond à celle que l’on retrouvera en Russie, que les références culturelles en Italie et en Croatie sont les mêmes, qu’avec une langue unique on va pouvoir tout comprendre et festoyer avec tout le monde est une ineptie. Aujourd’hui on a accès à de l’information du monde entier, mais chacun la perçoit avec son prisme.

Arthur et les Quechuas

Le 2 décembre 2014 était diffusée sur France 3 un nouvel épisode de l’émission à succès « Rendez-vous en terre inconnue ». Cet épisode était particulier car il accueillait le présentateur de télévision Arthur, spécialiste des émissions où on rit beaucoup et réfléchit peu. Arthur est aussi l’ancien vice-président d’Endemol France, spécialiste des émissions de télé-réalité. Outre sa personnalité controversée, la présence de cet animateur en tant qu’invité a suscité la polémique : faut-il consacrer du temps sur une antenne du service public à un animateur qui ne paie pas ses impôts en France, et qui plus est, à un animateur d’une chaîne concurrente ? Chacun se fera une idée là-dessus ; c’est un autre point qui a retenu mon attention.

Dans l’émission, c’est plutôt son comportement qui m’a intéressé. Ce n’est pas qu’il soit tête-à-claque ou crâneur comme il est d’ordinaire à la télévision, bien au contraire. Dès le départ, il tient même à se faire appeler par son prénom d’état civil, Jacques, et non pas par son nom de scène. Il se montre respectueux et humain avec les gens, jamais hautain, ni méprisant. Bref, un type normal… mais pas complétement. Arthur met un sac à dos pour la première fois, est surpris par la montagne, découvre l’élevage : « Ah bon, on peut dormir dans une maison en pierre et entendre des animaux ? ». On a l’impression qu’un « Rendez-vous en terre inconnue » chez des éleveurs ovins en Corse ou dans le Massif Central lui aurait fait le même effet. Il découvre aussi que les populations les plus pauvres, en particulier à la campagne, « travaillent tout le temps ». On se sent presque dans une émission de type « Wife Swap » (« On a échangé nos mamans »). Bref, on a l’impression que le voyage sert de thérapie pour découvrir la ruralité et l’humilité à un citadin bourgeois qui sort rarement d’Auteuil, Neuilly, Pacy.

On n’échappe pas non plus au pathos qui revient souvent dans les autres épisodes. Que les gens sont heureux alors qu’ils sont pauvres ! Ca serait tellement bien de vivre comme eux, en dehors du matérialisme ! Que j’aimerais abandonner ma vie parisienne pour vivre nu dans les forêts – ou dans le cas présent, en poils de lama dans la montagne. C’est beau, mais c’est naïf. La civilisation permet d’avoir des hôpitaux, des universités, du chauffage et à manger toute l’année… Quand les caméras de télévision seront reparties, les gentils sauvages continueront des choses qui horrifieraient le bourgeois, entre le patriarcat primaire, la malnutrition, la mortalité en couche, les croyances barbares.

Tout cela n’enlève rien à l’intérêt de l’émission « Rendez-vous en terre inconnue » qui reste excellente, mais on regrette souvent que Frédéric Lopez, intelligent, diplomate, compréhensif, ne parte pas seul.